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Michelle Sound


okāwīsimāk nawac kwayask itōtamwak|
Les tantes sont les meilleures


Du 8 janvier au 5 mars 2022



Les tantes sont les meilleures
Jas M. Morgan

L’artiste crie Michelle Sound sait que les tantes sont les meilleures. Dans son œuvre, NDN Aunties, je vois des tantes cries se tenant droites et fières. Elles sont habillées de franges et de cuir clouté, de fausse fourrure et de denim. Elles versent la tête vers l’arrière et créent des souverainetés sonores avec leurs rires qui remplissent les espaces et les crevasses du cœur de leurs nièces, neveux et autres petits qui les entourent. Je vois des tantes qui conduisent des camions sur des chemins de terre, des tantes qui portent des lunettes de soleil, des tantes qui aiment le métal et des tantes qui soutiennent leur communauté où qu’elles soient dans le monde. Je constate, debout devant les tambours de différentes tailles qui composent NDN Aunties, que chacun semble représenter une tante unique et solitaire, comme une icône de style si cool, comme des portraits matériels qui déconstruisent complètement l’esthétique et les critères coloniaux qui définissent le portrait « classique ». Un tambour est recouvert de fausse fourrure imprimée de guépard et j’imagine une tante style Reine de la Rez portant un long manteau coupé dans la même matière. Les détails des boutons d’un tambour en denim révèlent une épingle en médaillon perlé représentant une roue de médecine (j’imagine qu’elle a été fabriquée pour la tante que le tambour représente, par quelqu’un qui l’aime profondément et qui lui est reconnaissant de son soutien) et d’autres épingles représentant des langues autochtones ou affichant à quel point les tantes sont magiques. Les boutons évoquent toutes les tantes qui sont aux premières lignes des mouvements de justice autochtone. Ils me rappellent tout ce que nos tantes ont enduré aux mains d’une nation qui cherchait à les éliminer par des politiques sexistes et des violences personnelles. Ils me rappellent aussi que malgré ces tentatives d’arrachement à la terre et à la vie en communauté, l’amour et la lumière que ces tantes émettent dans toute leur communauté persistent. Ensemble, les tambours sont une force à honorer et à vénérer. Les tambours vous enveloppent. Les tambours sont beaux, mais injouables, à l’image des femmes autochtones coriaces qui ont inspiré l’œuvre de Sound.

Il ne fait aucun doute que ce qui rend les tantes autochtones si cool, ce sont les systèmes de connaissances de leurs communautés et de leurs ancêtres; ces facettes du peuple cri sont également représentées dans l’œuvre de Sound. Dans HBC Trapline, des peaux de castor accompagnent des tambours en fourrure de lapin teints aux couleurs de la couverture à quatre bandes de la Compagnie de la Baie d’Hudson : bleu, jaune, rouge et vert. Sound fait référence aux tantes que nous n’aurons jamais l’occasion de rencontrer : nos ancêtres cries. Les femmes autochtones ont joué un rôle primordial dans le commerce de la fourrure au Canada, où elles ont contribué à la préparation des fourrures et des peaux. Les mêmes connaissances que les femmes autochtones utilisaient pour soutenir leurs communautés sont ancrées dans l’histoire du travail qui a produit le Canada, bien qu’elles soient rarement reconnues. Dans Chapan Snares Rabbits, Sound fait référence à une lignée de tantes cool au sein de sa propre famille. Chapan est un terme de parenté cri qui fait référence à un arrière-grand-parent. Toutefois, Chapan a une double signification et peut également désigner les descendants d’une personne. Le chapan et la kokum de Sound ont tous deux soutenu leur famille grâce aux lignes de trappage. Les tambours Chapan Snares Rabbits, teints en rose pastel, bleu et pêche, sont un hommage aux femmes qui ont subvenu aux besoins de la famille de Sound, et à qui elle doit ses connaissances culturelles et son sens de la personnalité. Le trappage et la chasse ne sont pas des domaines où les femmes autochtones sont toujours représentées comme des pourvoyeuses dans le discours colonial contemporain. Toutefois, Sound perturbe la position dégradée des femmes autochtones dans la société canadienne en faisant référence à une longue lignée de tantes qui l’ont précédée et dont les connaissances, les soins et les pratiques matérielles inébranlables ont fait de Sound celle qu’elle est aujourd’hui.

L’art de Sound est à la fois un hommage et un testament aux tantes autochtones et à leur style cool sans pareil. Toutes les tantes autochtones sont mises à l’honneur lorsque Sound illustre les femmes fortes de sa propre lignée familiale. Je vois la force de volonté, de caractère et d’amour que possède la mère de Sound dans Nimama hates fish but worked in the cannery. Je vois les histoires de tant de familles cries qui sont restées unies grâce à l’ingéniosité et à la force des tantes autochtones, comme la famille de Sound de la Première nation de Wapsewsipi (Swan River), qui s’est retrouvée déplacée de ses territoires traditionnels, mais qui s’est reconstituée en tant que peuple grâce au travail acharné de la mère de Sound. Dans les œuvres de l’artiste, je vois la force des tantes qui ont soutenu le peuple cri pendant des siècles avant que le premier homme blanc ne mette le pied dans ces régions. Je vois des tantes hilarantes, des tantes généreuses et des tantes à ne pas embêter. Je vois des royautés cries qui sculptent des mondes avec leurs intentions et leurs soins. Je vois des tantes qui portent les nations autochtones sur leur dos. Je vois des tantes qui créent des familles autochtones avec leur amour. Je vois le droit de l’existence autochtone.



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Les activités de daphne ont lieu en territoires non cédés. C’est avec fierté que nous participons à la vie de cette île appelée Tiohtià:ke par les Kanien’kehá:ka et Mooniyang par les Anishinaabe alors que ce territoire urbain continue de représenter un lieu de rassemblement florissant pour les peuples, à la fois autochtones et allochtones.

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