Expositions en cours et à venir


Greg Staats: nahò:ten sa’tkahton tsi niioháhes? / qu’est-ce
que vous avez vu en chemin? / what have you seen along the way?

Hannah Claus, commissaire

3 février au 6 avril, 2024



qu’est-ce que vous avez vu en chemin?
texte du commissaire par Hannah Claus

J’étais habitée par cette question tout au long de mes conversations avec Greg Staats. C’est la question posée par le Porteur de paix à Aionwatha : nous devons partager tout ce que nous apportons avec nous, afin d’assembler ces idées et d’ajouter des chevrons à la maison longue symbolique qu’est la Confédération Rotinonshonni.

Notre responsabilité en tant que Rotinonshonni consiste à maintenir l’équilibre en rétablissant l’ordre là où règne le chaos. L’une des façons d’y parvenir est de réciter le Ohénton Karihwatéhkwen [Les Paroles qui précèdent tout], par lesquelles nous saluons, nommons et reconnaissons tout ce qui nous entoure. Cette reconnaissance commence à l’intérieur, pour ensuite s’étendre aux mondes souterrains, du milieu et supérieurs. En prononçant ces mots, nous soulignons les rapports qui nous unissent à l’ensemble de la création. Par ce processus de récitation, nous nous rapprochons d’un Esprit bienveillant et de notre participation à la Grande loi de la paix.

La difficulté que présente ce chemin réside dans le fait que nous vivons dans un monde colonial post-contact. Le Porteur de paix nous a donné nos instructions, mais les liens de la langue, de la communication, des façons d’être et de faire se sont affaiblis. Dans cet état constant de perturbation, nous ajustons continuellement notre position pour naviguer la réalité coloniale. Do’-gah - Je ne sais pas [haussement des épaules] traite de cet état liminaire : pris entre deux pas, nous sommes privés notre langue, exprimant notre état figé par un haussement d’épaules, construisant ainsi une couche réflexive et protectrice par la répétition et le temps.

Do’-gah - Je ne sais pas [haussement des épaules] est située sur un mur à l’extérieur de la salle d’exposition. À l’orée du bois, en quelque sorte. Ceci est pour souligner le sens sacré et sécurisant d’une architecture émotionnelle comme celle-ci. Comme sous les poutres de la maison longue, nous pouvons ici nous rassembler pour nous exprimer, écouter et partager collectivement.

Un Esprit bienveillant ne porte pas de jugement : il accepte, il observe, il écoute. Pour Staats, c’est l’essence de son travail d’artiste. Ses images sont des moyens mnémotechniques intuitifs qui remplissent les fonctions de sa langue disparue. La série 1969 désigne le chaos comme un écho résonnant, regroupant le local et le familier avec des forces extérieures plus vastes : de la moisissure noire tachant un plafond à la couverture du Livre blanc,[1] en passant par une image encore plus imposante du festival d’Altamont.[2] Staats fait sienne cette image de la photographe Beth Bagby en y ajoutant un procédé mnémonique,[3] réunissant ainsi le [regard] de la femme et la [responsabilité] de l’homme. Ces éléments sont des preuves du chaos et de la contestation, tandis que d’autres signes visuels viennent apporter l’équilibre et le mouvement vers l’avant : sumac vinaigrier, pin, cendres... Autant de signes de guérison, de protection et d’encouragement.

Le Porteur de paix a dit : « Tous ceux qui souhaitent rejoindre la Grande Paix sont invités à suivre les racines du Grand Pin Blanc. »

Le pin blanc a été choisi comme symbole de la Confédération, car il est le plus grand et le plus fort des arbres. Il est éternel. Un aigle se tient à son sommet pour observer et lancer le signal. Nous sommes cet arbre. Avec un esprit clair, nous portons la vision de l’aigle. Malgré tout, le comportement engendré par le chaos nous bloque la vue. Dans Sans titre [racines de pin blanc] on peut voir un gros plan du sol recouvert de racines qui émergent à la surface. Ce sont à la fois les racines blanches de la paix, une invitation, et aussi des indicateurs silencieux. Nous, Rotinonshonni, plaçons les « visages à venir » au premier plan de nos actions. Cependant, nous devons reconnaître que cette terre abrite aussi tragiquement les ancêtres qui n’ont jamais existé. Il nous faut cette voix puissante de l’Aigle.

Le retour à la maison longue a pour but de « franchir le seuil ». L’installation de wampums Sans titre [portail de renouvellement] exprime cet ultime objectif. Le blanc représente la vérité. C’est une invitation à vivre sous la Loi de la Grande Paix, à vivre avec compassion. En tant que portail vers le cœur de la communauté, cette installation représente une étreinte constante, ainsi que le désir d’un potentiel. La décision de faire ce pas, de franchir le seuil, vous appartient.

Ce voyage est le nôtre. Ce travail que nous faisons avec intégrité, responsabilité et autonomie, est à la fois pour nous-mêmes et pour la communauté. Pour Staats, « franchir le seuil » est la fin du parcours. Dans la maison longue, nous apportons avec nous tout ce que nous portons aujourd’hui en cette époque post-contact et de dispersion. Nos triomphes et nos erreurs ont tous un sens. À mesure que nous continuons d’ajouter des poutres à la maison longue, le continuum collectif que constituent l’Esprit bienveillant et la Grande loi de la paix continue de croître.

Skén:nen.

[1] https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/livre-blanc-de-1969
[2] https://www.washingtonpost.com/graphics/2019/lifestyle/altamont-rolling-stones-50th-anniversary/
[3] Ce symbole représente Tiohnekwen, l'un des cinquante Rotinonshonni désignés et appartenant au Clan du loup.



Martín Rodríquez
Ehécatl, comme le vent souffle dans toutes les directions
3 février au 6 avril, 2024



Ehécatl, comme le vent souffle dans toutes les directions
essai de Mariza Rosales Argonza

Une fois qu’on a traversé la frontière, il n’est pas possible vraiment de revenir en arrière.
Chaque fois que j'essayais, je me retrouvais « de l'autre côté »,
comme si je marchais pour toujours sur une boucle de Moebius.
Guillermo Gomez-Peña

L’installation sonore Ehécatl, comme le vent souffle dans toutes les directions de Martín Rodríguez explore le caractère dynamique de l’identité métissée. Ce travail présente une réflexion à propos de la prise de conscience de son héritage autochtone comme souffle du vent qui traverse les abîmes du territoire et de la mémoire. Il aborde égalment la complexité de l’expérience migratoire, des espaces liminaux et la notion du territoire où se superposent récits, temporalités, espaces réels et symboliques en mutation perpétuel.

Le son est la matière de création pour Rodríguez, il explore les modes de transmission au-delà des frontières. Son imaginaire chicanx issu de son éducation transfrontalière que transite entre l'Arizona et le Mexique l’incite à parcourir le processus en déplacement de l’identité et de son rapport au territoire. Comme Gloria Anzaldúa, écrivais « Con palabras me hago piedra, pájaro, puente de serpientes arrastrando a ras del suelo todo lo que soy, todo lo que algún dia seré ».[1]

Dans la installation la notion du temps se disloque, Rodríguez fait écho aux voix ancestrales et à la reconnaissance de son héritage autochtone. Il fait appel à la mythologie mésoaméricaine dans le titre Ehécatl mot Nahua, nom du dieux de l’air et du vent, souvent lié ou assimilé à Quetzalcoatl et associé aux points cardinaux d’après la culture Aztèque. Le souffle d’Ehécatl inspire l'œuvre sonore de l’installation qu’est née de l'enregistrement d'un coup de sifflet-Eagle silbato (sifflet) de l’enfance de l’artiste, réverbéré dans une patinoire de hockey extérieure à Tiohtià:ke / Montréal, et mélangé à des enregistrements effectués dans des sites de l'île de la Toutue.

L'enregistrement était partagé avec quatre collaborateurs qu’ont des liens avec l’artiste ainsi qu’avec un lieu et une période significatif de sa vie, ainsi l'œuvre se déplace, ouvre une conversation et rassemble des expériences personnelles entre melées. Chaque collaborateur a son tour a joué et réenregistré simultanément le son dans un lieu extérieur. Par ces gestes de transmission, dialogue et de superposition d'un enregistrement d'une personne à l'autre, les frontières de l'identité et celles du territoires se diluent. Le son constitue un portail pour accueil des trajectoires, des récits, des affects qui cohabitent dans un temps et espace disloqués afin d’inviter le public à une introspection pour provoquer des rencontres, des expériences sensibles et intrinsèquement humaines qui résonnent grâce à l’act artistique.

L’installation sonore ouvre un espace intemporel, l’estructure de la pièce incite à parcourir l'œuvre dans une enquête de sens et de fréquences qu’invitent à engager l’éxpérience du public grâce à spatialisation sonore composée d’une constellation de cinq radios tel que points de repéré qui nous guident au cœur même du néant. Ces canaux de transmission se communiquent, se superposent, interagissement entre eux et résonnent avec nous a travers le corps en déplacent, ce que nous traverse et engage à vivre un retout sur soi au-delà du temps.

À la manière de l'Aleph de Borges,[2] cette espace liminal devient un point dans l'espace qui contient tous les autres points. Quiconque y regarde peut tout expérimenter dans l'univers sous tous les angles simultanément; le sens s’accroît et se concentrent dans l’expérience d’un cosmos qui se déploie à l’intérieur et dehors.


[1] Gloria Anzaldúa, Borderlands/La Frontera, The New Mestiza, Aunt Lute Books, 1999, p.70
[2] L'Aleph (en espagnol : El Aleph) est un titre du recueil de dix-sept textes écrits par Jorge Luis Borges, éditées séparément entre 1944 et 1952 dans différents périodiques de Buenos Aires. On retrouve dans ce livre les thèmes de prédilection de Borges : la métaphysique, les labyrinthes, l'infini. Trad. Roger Caillois, René L.-F. Durand, Gallimard, 1967.




Expositions à venir



Cheyenne Rain Le Grande
titre à confirmer
27 avril - 15 juin


Cedar-Eve Peters
titre à confirmer
27 avril - 15 juin











Les activités de daphne ont lieu en territoires non cédés. C’est avec fierté que nous participons à la vie de cette île appelée Tiohtià:ke par les Kanien’kehá:ka et Mooniyang par les Anishinaabe alors que ce territoire urbain continue de représenter un lieu de rassemblement florissant pour les peuples, à la fois autochtones et allochtones.

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