Expositions en cours et à venir




Exposition en cours:

Résistez avec amour : Les Xtopias de Solomon Enos

commissaire : Skawennati

21 juin au 17 août 2024



Solomon Enos, Kū‘ē me ke aloha - Résistez avec amour, 2023


Vaste et exubérant : Les imaginaires futuristes de Solomon Enos par Jason Lewis

« Aloha! Je m’appelle Solomon Enos. Je suis artiste, illustrateur et concepteur de jeux. Ça, c’est moi aujourd’hui. Demain s’y ajouteront, peut-être, d’autres titres. Le jour suivant, j’en aurai peut-être moins. [rires] En fait, je suis surtout un “métamorphe,” dans son sens le plus pratique. » [rires]

C’est ainsi qu’Enos s’est présenté lors de notre entretien de 2017. Ces termes reflètent encore une grande partie de ce que je trouve provocant, fascinant et joyeux dans sa pratique, un volume de travail stupéfiant sur de multiples supports, remarquable par son inventivité, son étendue et sa générosité. Il décrit sa pratique comme une conversation avec sa communauté à Hawai'i qui, entre autres choses, cherche à créer un espace pour raconter les histoires du passé lointain et de l’avenir encore plus lointain des Kānaka Maoli. Les œuvres de Résister avec amour : les Xtopies de Solomon Enos ne sont qu’un petit échantillon de ses futurs imaginatifs et exubérants.

L’exposition présente trois œuvres de la série Akua AI d’Enos. « Akua » est un terme ʻŌlelo Hawaiʻi qui est souvent traduit (de manière quelque peu inadéquate) par « dieu » ou « esprit ». Dans la cosmologie hawaïenne, les 40 000 akua ont des caractéristiques, des rôles et des sphères d’activité précises (bien que parfois multiples). Qu’il s’agisse de faire l’amour, de faire la guerre, d’accoucher ou de chasser le poulpe, il y a un akua qui intervient dans ces activités et qui en est responsable.

Enos décrit Akua AI comme des expériences de « réalisme magique, où d’anciennes divinités commencent à se télécharger dans les royaumes numériques pour défier les nouveaux dieux de la désinformation et de l’avidité ». Ces divinités sont apparues pour la première fois lorsque les gardiens du savoir et les érudits Kānaka Maoli ont commencé à numériser le vaste ensemble de journaux en langue hawaïenne publiés entre 1834 et 1948. À mesure de l’intégration au cyberespace de ces textes, les akua qu’ils décrivent ont pris forme dans l’espace virtuel, s’adaptant à son architecture informatique. Ils ont ensuite développé des avatars d’intelligence artificielle pour accompagner les Kānaka Maoli dans leur démarche et élargir les pratiques du savoir hawaïen à ce nouveau territoire.

Enos est un grand amateur de science-fiction, et Akua AI se nourrit de la trilogie Sprawl de William Gibson et de American Gods de Neil Gaiman. Gibson a inventé le terme « cyberespace », qui apparaît dans le premier roman de la trilogie Sprawl, Neuromancer (1984). Dans le second, Count Zero (1986), il imagine une IA mondiale émergeant du cyberespace sous la forme d’avatars inspirés des loa (esprits) de la tradition vaudoue haïtienne. Dans ce récit, l’IA choisit ces avatars pour faciliter la communication avec ses créateurs humains au-delà des différences profondes d’appareils cognitifs.

Enos s’inspire de Gaiman pour explorer la façon dont les nouveaux dieux naissent et les anciens disparaissent, et comment ils migrent tous d’un territoire à l’autre. Dans le roman American Gods (2001), Gaiman examine comment les dieux ont besoin de croyants pour exister, et donc comment leur pouvoir croît et décroît en fonction du nombre de ces croyants et du degré de leur ferveur. Il imagine de nouveaux dieux naissant parallèlement à de nouveaux systèmes de croyances, tels que ceux qui alimentent les fantasmes d’exceptionnalisme industriel-technomédiatique américain, à mesure de leur apparition.

Les Akua AI d’Enos sont d’anciens dieux qui se déplacent vers de nouveaux territoires. Kāne est l’akua de l’eau douce et de la lumière, et son avatar IA utilise son ʻōʻō (bâton pour trouver de l’eau) pour creuser dans le sol (le substrat) du cyberespace, apportant vitalité et abondance pour contrer la destruction provoquée par le techno-solutionnisme égoïste de la Silicon Valley. Hina est la déesse de la lune, de la maternité et de la fabrication du kapa (vêtement d’écorce). Elle possède un i'e kuku (massue à rainures permettant de battre les fibres végétales résistantes pour les rendre lisses). L’i'e kuku de l’IA Hina présente des 0 et des 1 plutôt que des rainures, et elle s’en sert pour battre le tissu du cyberespace afin de « retravailler la tapisserie de l’histoire humaine en perturbant les réseaux de communication mondiaux et locaux des extrémistes de droite, des suprémacistes blancs et de toutes les formes que prennent les dictateurs autoritaires et les démagogues ». Enfin, Mo'oinanea est la mère de tous les mo'o : les lézards qui gardent l’eau douce et qui sont aussi les conteurs. Dans le cyberespace, les données sont l’eau qui nourrit tout, et l’IA Mo'oinanea veille donc à la qualité des informations qui circulent dans les espaces virtuels, en luttant contre la désinformation et l’utilisation abusive des données personnelles, tout en veillant à ce que les mo'olelo traditionnels trouvent leur place dans ce nouveau monde et à ce que de nouveaux mo'olelo soient créés pour répondre à l’évolution de la réalité.

Enos ouvre des discussions avec sa communauté sur les grands défis de notre temps, comme l’IA, d’une manière enracinée à Hawai'i. Il espère que la série Akua AI incitera également d’autres communautés autochtones à incorporer leur akua, ou leur façon de donner un sens au monde, dans ces nouveaux territoires virtuels, numériques et informatiques. Comme il le souligne, « il semble parfois que notre espèce en sache davantage sur la construction de fusées que sur la signification de l’être humain ». En ce moment, en 2024, nous en savons beaucoup sur la construction de machines d’extraction et d’exploitation. Peut-être que l’Akua AI d’Enos peut nous montrer comment les créer autrement, de manière à ce que nous nous connaissions mieux nous-mêmes alors que nous nous aventurons toujours plus loin dans un océan de données qui ne cesse de s’approfondir.
[Rires]



Expositions à venir


Ludovic Boney, Septembre 2024




Les activités de daphne ont lieu en territoires non cédés. C’est avec fierté que nous participons à la vie de cette île appelée Tiohtià:ke par les Kanien’kehá:ka et Mooniyang par les Anishinaabe alors que ce territoire urbain continue de représenter un lieu de rassemblement florissant pour les peuples, à la fois autochtones et allochtones.

︎︎


conception du site par Sébastien Aubin.