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Catherine Boivin


Nikotwaso


Jessie Ray Short, commissaire

Du 9 jullet au 27 août 2022



Une oeuvre circulaire— Catherine Boivin, par Jessie Ray Short
 
Le travail de Catherine Boivin est centré sur des événements qui la touchent personnellement, en tant que femme et mère atikamekw vivant dans une communauté autochtone du Québec actuel. Lors de nos conversations vidéo, j’écoute attentivement Catherine me parler des concepts qui sous-tendent son œuvre, intitulée Nikotwaso. Lors de ces rencontres, la petite fille de Catherine joue en arrière-plan ou grimpe sur ses genoux. Nos discussions tournent autour de divers sujets, notamment les intérêts actuels pour le cinéma et la télévision, l’art vidéo, les connaissances culturelles de nos communautés autochtones respectives, l’importance des langues autochtones et de leur enseignement aux générations futures, ainsi que la violence sexiste dont sont victimes les femmes autochtones au Canada.

Catherine souligne qu’elle se sent aujourd’hui investie d’une grande responsabilité dans la résolution de ces problèmes, afin que sa langue et sa culture restent vivantes pour sa fille. De veiller à ce que sa fille vive pour sa culture et sa langue. Ces préoccupations continuent d’être exprimées par les peuples autochtones. On peut affirmer que dans ce pays, « un récit national [a été créé et] est fondé sur le génocide des autochtones... Pendant trop longtemps, on s’est intéressé aux cultures autochtones, mais pas aux Autochtones eux-mêmes ni à leur bien-être ».[1] Il n’y a pas de culture sans les personnes dont elle est issue. Pour une jeune femme comme Catherine Boivin, la question des femmes autochtones assassinées et disparues continue de la hanter, comme c’est le cas pour les populations autochtones à l’échelle nationale (y compris au Québec).[2]

Dans cette exposition, Catherine et les femmes qui participent à son projet courent en cercle sur les moniteurs, évoquant les nombreuses dimensions de leur identité. Elles courent en cercle pour rester actives, pour prendre soin d’elles-mêmes; elles courent en cercle pour refléter les cycles de la vie, y compris les changements de saison; elles courent en cercle pour symboliser les cycles de la violence qui les exposent, en tant que femmes autochtones, à un risque beaucoup plus élevé de subir des violences que les autres populations de femmes du pays.

Le travail de Catherine est toutefois nuancé; il touche aux récits de traumatismes autochtones tout en allant plus loin. En parlant avec Catherine de Nikotwaso, je suis frappé.e par les similitudes entre son travail et celui de Dana Claxton, tant sur le plan matériel que conceptuel. Lors d’une conférence d’artiste, Dana Claxton précisait que l’attention qu’elle porte à la mode et aux normes de beauté dans son travail sert à remettre en question l’« impérialisme esthétique » des normes eurocentriques, de son point de vue en tant que Hunkpapa Lakota, et à la « recherche de la beauté et de l’esthétique autochtone ».[3]

Le travail de Catherine, comme celui de Dana, ne supprime pas les vêtements comme tels, mais y intègre[4] plutôt des éléments culturels. L’intention est d’incorporer des éléments historiques observés sur les vêtements atikamekw portés par les ancêtres de Catherine, comme les jupes à ceinture et à carreaux, tout en ajoutant des éléments de conception inspirés de la vision éclectique de la chanteuse islandaise Björk.[5]

Nikotwaso est une œuvre de cercles et de cycles. C’est une œuvre circulaire. Catherine conjugue le passé et le futur au présent, avec un regard sur ses grands-mères, sur sa fille et sur les générations futures, tout en faisant référence à divers éléments visuels, qu’ils proviennent de la culture pop, du cinéma et de la télévision, ou de l’esthétique culturelle atikamekw contemporaine et historique. Nikotwaso demande au public de mettre en suspens ses convictions, ou ce qu’il croit savoir des femmes autochtones, et d’entrer dans les possibilités concentriques créées par Catherine Boivin.


Pour aller plus loin :

Bowen, Deanna, et Maya Wilson-Sanchez. A Centenary of Influence. Canadian Art. (20 avril, 2020). Consulté le 25 mai 2020. https://canadianart.ca/features/a-centenary-of-influence-deanna-bowen/.

Ryerson Image Centre. Artist Talk with Dana Claxton. 1:00:55. youtube.com: Toronto Metropolitan University, 2021. Artist Talk. https://www.youtube.com/watch?v=zv6qeQTB4Yg.

La Commission a publié un rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Québec, qui peut être consulté ici en anglais : https://www.mmiwg-ffada.ca/wp-content/uploads/2019/06/Final_Report_Vol_2_Quebec_Report-1.pdf

Version française : https://www.mmiwg-ffada.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport-compl%C3%A9mentaire_Qu%C3%A9bec.pdf

 


[1] Wilson-Sanchez, Maya.

[2] Consultez les rapports de l’ENFFADA cités dans la bibliographie pour en apprendre davantage.

[3] Claxton, Dana.

[4] Claxton, Dana.

[5] Entretien privé avec Catherine Boivin le 6 mai 2022.




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